1.1.06

Sophie Spandonis

S. Spandonis

Sur le départ


Le hall de l’aéroport. Je traîne mon sac derrière moi d’un pas allègre jusqu’au lieu indiqué sur le papier. Toujours le même pincement au cœur, la même excitation. Pourtant je ne me souviens plus de mon premier voyage en avion. Je devrais être blasée. Adolescente, je voulais devenir pilote de ligne, sans doute parce ce n’était pas encore un métier de femme, et que ça le rendait intéressant en soi. Plus qu’hôtesse de l’air en l’occurrence. Circonstance atténuante : je ne connaissais pas encore La Peau douce. J’aimais regarder les nuages d’au-dessus, le blanc à perte de vue sans plus de terre en dessous. Les nuages, parce qu’enfant je les pensais nécessaires pour servir d’appui à l’immense échelle que l’on inventerait un jour pour monter très haut. J’en ai gardé l’image qu’en cas de chute, l’avion trouverait à s’y poser. J’y crois encore un peu. Je crois aussi que mourir en avion serait une belle mort. La seule que j’envisage sérieusement. Peut-être parce qu’on est déjà nulle part, en suspension dans la durée, sans autre repère que de se voir servir un plateau de petit déjeuner à une heure du matin. Piloter, embarquer des gens entre ciel et terre, les mener à destination... un peu pareil que de raconter des histoires... Et puis j’aimais cette idée de partir et revenir périodiquement. Prendre l’air...