12.11.06

André Mora

Hong Kong


Je lui massais la nuque et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il suffisait de laisser glisser mes mains vers son cou et de serrer un peu pour la voir morte. Elle avait relevé ses cheveux blonds pour que je puisse poser mes paumes à la base de sa nuque. Le col de sa chemise me gênait et je l’écartai un peu. Elle avait la peau très pâle, diaphane. Sous mes doigts, ses muscles roulaient doucement. Eux aussi, j’avais envie de les tirer jusqu’à ce qu’ils claquent. Je n’avais aucun désir de la tuer, pourtant. Peut-être que je voulais seulement la voir morte, comme un visage d’elle-même qu’elle aurait tenu secret pour tout autre que moi.
— Tu masses toujours aussi bien. Si un jour tu es au chômage, tu pourras toujours te reconvertir...
— C’est parce que tu m’as manqué. Mes mains se souviennent. Elles sont contentes de te voir.
— Les mains ne voient pas...
— C’est ce que tu crois.
Mes mains reconnaissaient chaque pore de sa peau, chaque mèche échappée de ses cheveux relevés. Chaque journée de son absence. C’était peut-être pour ça aussi qu’elles avaient envie de se refermer sur elle comme des serres.
— Peut-être que tu as raison, remarque. Parce qu’il a fallu que ce soit justement aujourd’hui que j’aie mal au cou. Ça ne m’était plus arrivé depuis des années. Et personne d’autre n’aurait pu me soulager séance tenante aussi bien.Je hochai la tête dans son dos. Puis je me concentrai sur le mouvement de mes doigts. Cercles s’éloignant du centre, vagues de chair repoussant la douleur, laissant derrière elles une mer lisse de peau assouplie. J’avais toujours eu ce pouvoir de la calmer, cette vieille douleur souvenir justement reparue aujourd’hui.