12.11.06

Edith Vanel

Cendre et kori


Tu as essayé ce jour-là, tu as essayé de t’avoir. Par-delà la page, je pouvais te voir, comme je t’ai vu, ce matin-là, dans la salle de bains. Ce n’est qu’après que j’ai compris, au bruit de l’ambulance, et devant ton poignet cigarette brûlée, tes yeux noirs couleur cigarette brûlée, tes yeux tout noirs. Tu avais essayé et tu t’étais raté. Entre les murs de la salle de bains, ton ombre étrange et sa chair, son poids, son odeur que je pouvais sentir au-delà de la porte. Alors j’ai vu soudain tes yeux de terre et tu es sorti. Tu es sorti, et plus tard je t’ai retrouvé assis, dans une salle d’hôpital. Nous tous, par-delà les pages de temps, de villes et d’espaces, nous avions le ventre coupé en deux avec toi pour ainsi dire, mais moi je croyais savoir. Je savais, oui, je savais quand j’ai vu ton œil cigarette s’ouvrir sans fond dans une chambre d’hôpital. J’ai vu le long serpent enroulé autour de ton cœur qui faisait tomber la cendre, comme des feuilles, lente et sans pesanteur. Tu ne pouvais pas parler encore. Tu fumais en silence, le bout de tes doigts tremblait encore, c’était presque imperceptible. Tu étais dans un pyjama froissé, je t’en ai apporté un autre avec le journal et les feuilles Canson et les crayons de couleurs. Tu les as pris, posés sur la table, comme des objets à toi, rien qu’à toi, avec cette façon distante et reculée de t’éloigner, de t’enfouir bien profondément hors de nous. Loin, par-delà les pages, et les portes ouvertes où entrait le vent