12.11.06

Pierre Ducrozet

Dans sa cage de velours


Il est là depuis quelques jours sur la table je ne sais pas trop quoi en faire il est là il me regarde et parfois il dégouline un peu je n'ose pas le toucher le déplacer j'ai peur qu'il m'explose dans les mains que dois-je faire le regarder encore des jours et des jours, ma chambre est petite et il est là ici partout je le vois il me voit il sursaute parfois et c'est effrayant croyez-moi, il fait un petit bond et retombe, net, dans un schploc qui me glace, qui me l'a envoyé je ne sais pas aucune adresse sur le colis rien qui a bien pu m'envoyer une chose aussi ah ! et il remue aussi, surtout le soir, le carton tourne sur lui-même et on entend comme un soupir dans l'air, la nuit ne lui plaît pas trop, et moi non plus, j'ai froid et je suis seule avec cette chose-là, emballée, empaquetée qui a bien pu ? J'ai ma petite idée mais enfin - je ne dors plus vous imaginez il boum-boum dans sa cage et c'est pas rassurant non je me demande pourquoi j'ai envie de le prendre dans mes bras ce maudit colis et son FRAGILE collé de travers comme un emblème je me demande et oh ! le voilà qui saigne non, pas sur le tapis de Chine, je t'en prie tu es ici chez moi ne t'avise pas - c'est du sang pas de doute qui s'agglutine là et tombe goutte à goutte du cassis broyé ça me serre le ventre si je partais en vacances, loin de cette chambre, de cette ville, retrouver les calèches, les frissons, mais nous sommes deux ici à présent et je ne peux le laisser seul - que viens-tu de dire ? tu perds la tête, laisse le colis empoisonné et pars